Description
Une ville est avant tout un territoire, ensemble complexe composé d’entités urbaines, agricoles et naturelles qui doivent dialoguer en bonne intelligence. C’est sur ce constat que se bâtit depuis prés de 15 ans le projet de territoire de Trilport, ville seine et marnaise de 1097 hectares et 5 000 habitants, située en grande couronne francilienne. La commune possède un patrimoine naturel remarquable : bords de Marne, forêt domaniale de Montceaux, points de vue uniques vers les coteaux environnants proposés par l’amphithéâtre naturel et l’écrin agricole qui entoure le centre urbain. Les espaces naturels occupent 45% du territoire communal et les terres agricoles, 35%. Vu du ciel, le bourg forme un croissant harmonieux, coupé en son centre par une ligne de chemin de fer qui assure à la ville, via la gare SNCF, une desserte directe vers Paris, Château Thierry ou la Ferté Milon, et la Route Départementale 603 (ancienne route royale 3) plaçant l’autoroute A4 à moins de quinze minutes ; ces deux axes traversent la Marne à Trilport. La commune entame une nouvelle étape dans son développement urbain au regard des obligations liées à la loi SRU. Comment répondre à l’urgence sociale et aux objectifs de la loi, en protégeant un patrimoine naturel et agricole remarquable qui représente 80% du territoire et en agissant concrètement contre les émissions de Gaz à effets de serre ? La consommation croissante d’espaces ouverts en Seine et Marne atteint des limites qui doivent interpeller tous les acteurs qui font la ville, tant la menace de voir se dégrader ce patrimoine fragile, est réelle. Chacun connaît la contribution des espaces naturels et agricoles à l’équilibre de notre écosystème, la préservation de la biodiversité ou d’une ressource vitale comme l’eau. Il est essentiel d’anticiper le réchauffement climatique et les conséquences de la croissance démographique mondiale. La fonction de régulateur thermique joué par les trames vertes et bleues devient indispensable et il faudra bien loger et nourrir une planète de 9 milliards d’habitants. Ces deux enjeux imposent de préserver une agriculture performante et l’intégrité de nos espaces naturels et agricoles. Ils sont un atout stratégique majeur pour les prochaines décennies. Dans le développement de nos villes, l’heure n’est plus à l’équilibre savant et théorique proposé par le rapport Brundtland (1987). Nous n’avons plus d’alternative et devons établir une hiérarchie claire des enjeux entre planète (la biosphère) et société des hommes dans toutes ses dimensions (culturelles, sociales, économiques). Ce qui impose de déterminer dans les objectifs poursuivis, tant la marge d’action est réduite et l’échelle de temps courte, ceux qui sont «prioritaires» des autres, application concrète du principe de responsabilité. Face à cette réalité et à ces enjeux environnementaux, il nous est apparu évident de prendre le contre pied du modèle culturel urbain dominant, basé sur l’étalement urbain, le développement de la maison individuelle et de la ville «longue distance», consommatrice de foncier, d’énergie, de pierre, chronophage et dévoreuse d’espaces. Nous nous sommes intéressés aux perspectives de la ville durable et mené dans ce sens un diagnostic territorial (2000/2002) dans le cadre des politiques contractuelles nouées avec le département et la Région. Trois priorités se sont imposées : développer l’éco construction, l’accessibilité en ville, préserver la ressource en eau. Un des atouts de la démarche initiée sur la commune a été la dimension pluridisciplinaire et la qualité de la concertation grâce à la participation de nombreux acteurs du terrain et de partenaires institutionnels actifs et moteurs. Cette réflexion a eu des suites concrètes : elle a aboutit notamment au 1er Contrat Régional d’Ile de France basé sur une démarche Haute Qualité Environnementale pour l’ensemble des équipements réalisés (Centre de loisirs « Le Petit Prince », Ecole de la Charmoye et Gymnase de la Noyerie) ; puis l’engagement de la ville s’est confirmé avec le lancement d’un Agenda 21, mené en synergie avec la concertation autour du Plan Local d’Urbanisme (2004 /2007). Véritable clé de voute entre ces deux démarches, l’élaboration d’un Projet d’Aménagement et de Développement Durable réellement stratégique. A l’aune de cette analyse croisée, l’intérêt de préserver l’intégrité de l’exceptionnel patrimoine naturel et agricole de Trilport s’est imposé, la problématique de l’étalement urbain apparaissant comme un enjeu majeur du développement du territoire. Une demande de riverains lors de la concertation nous a donné l’opportunité de lancer une réflexion urbaine (2006/2008) sur un secteur de la ville à l'abandon, composé de délaissés agricoles et industriels, situé à proximité directe de la gare SNCF. Sa localisation nous a amené à privilégier la piste d’un éco quartier (2008), tant cette piste, à la croisée des chemins de différentes problématiques urbaines et environnementales nous est apparu pertinente. Territoire d’expérimentation, l’éco quartier n’a pas à nos yeux pour vocation de demeurer un territoire d’exception. Sa finalité est de rétro agir sur la ville, plus globalement le territoire, afin que l’énergie dépensée, le travail capitalisé, les innovations expérimentées essaiment lorsqu’elles constituent des pratiques urbaines dignes d’intérêt car innovantes, respectueuses des hommes, de la biodiversité et de l’environnement. Cependant, le sujet dépasse de loin le filtre réducteur de la seule performance technologique dont beaucoup reviennent aujourd’hui, il faut à la fois éviter les écueils du «green washing» et du «green tech». Un éco quartier est autre chose qu'un concept « hight tech » répondant aux tendances ou aux effets de mode. Il doit devenir un supplément d’âme et permettre de poser un autre regard sur la vie «de et dans la ville». Dans cette approche globale, limiter la performance énergétique aux seules consommations des bâtiments est réducteur. L’élaboration des matériaux, leur localisation et origine, leur capacité à être recyclé, constituent autant de paramètres environnementaux, ainsi que l’épanouissement des habitants ou usagers du quartier, qu’on ne peut considérer comme une variable d’ajustement ! Le défi énergétique dépasse la seule efficacité du bâti, tant une ville est un tout et que ce défi aborde tous les champs du possible, dont ceux liés aux mobilités, aux fonctions de la ville, à ses usages comme aux relations sociales qui s’y tissent, autant de domaines, pourvoyeur en GES. Dans cette optique nous avons initié un Comité de Pilotage d’une quarantaine d’acteurs liés aux mondes du social, de l’économie, de la culture numérique, des mobilités et de l’aménagement et de citoyens impliqués dans l’Agenda 21. A partir des premières esquisses du projet social et d’un périmètre situé en «cœur de ville», la commune a postulé à l’appel à projet des «Nouveaux Quartiers Urbains» lancé par la région Ile de France. Plus petite ville postulante, Trilport avec l’Ancre de lune est devenue un des premiers lauréats (2009). Ce label nous a apporté les moyens matériels et logistiques nécessaires pour approfondir et enrichir le projet d’éco quartier (2010/2012) initial en engageant les études indispensables à une opération d'une telle envergure. Notre commune est toujours la plus petite ville des 23 lauréats. Repérée par le Ministère de l’Environnement, notre projet a été également sélectionné à l’appel à projet national. Désirant choisir l’aménageur le plus adapté à l’originalité de l’éco quartier de l’Ancre de lune (nom donné à l’éco quartier), nous avons élaboré avec des partenaires clés (CAUE 77, EPF d’Ile de France, CETE Ile de France, ADEME, CERQUAL) un référentiel durable en deux volets : le document cadre, de portée générale, il situe l'importance et la priorité des enjeux poursuivis, et le document stratégique qui a servi de base à l’appel d’offres des aménageurs de la ZAC. C’est l’AFTRP, devenu depuis Grand Paris Aménagement qui a été sélectionné (2013), et préside aux destinées de la ZAC, principal support de l’éco-quartier, qui entre désormais dans une phase opérationnelle.
« Ce qui rassemble les gens dans un lieu, c’est le récit que l’on partage, le récit du territoire, du passé vers l’avenir. Il faut créer du commun, et non du collectif » Jean Viard